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  • Les Kennedy, Ted ou Eunice ??

    C'est la rentrée aussi pour Faces de blog. Et on redémarre avec la chronique des chers disparus ! La faute aux Kennedy frère et soeur. Et soeur ? Oui, et soeur. Ted Kennedy a eu le bon goût de mourir à la rentrée, et grâce à cela vous connaissez un peu sa vie, un peu son oeuvre et beaucoup ses funérailles. Mais Eunice ? Elle est décédée au milieu de l'été et peu ont parlé d'elle. Elle mérite pourtant qu'on s'arrête un tout petit peu sur sa vie-son oeuvre. Même si on ne fera ici que les survoler de très très très haut, je voulais très modestement rétablir l'équilibre...

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    Arnold Shwarzenegger l'appelle belle-maman. Selon mes propres critères, ce n'est a priori pas à mettre à l'actif d'Eunice Kennedy Shriver. Mais je ne connais pas Arnold dans le privé et assez peu Swharzy dans le domaine public. Et jusqu'à ce mois-ci, pas du tout Eunice. C'est vrai que lorsqu'on regarde les photos d'Eunice, avec ses mâchoires à la Terminator (n'ayant jamais vu ce film, je ne sais même pas si Terminator à des mâchoires, mais vous aurez compris le sens de ce que je veux dire avec la photo ci-dessous...), on se dit que sa fille pouvait bien choisir Arnold comme mari.

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    Mais il n'y a pas que son gendre qui peut l'appeler belle-maman... Ils sont nombreux à pouvoir y prétendre. Eunice fut autant engagée que Ted. J'ai failli écrire "plus" ou "mieux". Mais finalement je ne le sais pas. Ted est à l'origine de 300 textes de loi. La plupart concernent la protection sociale, les droits civiques. Et Eunice? Elle n'était pas engagé dans la politique.

    Elle a mis sa vie au service des handicapés mentaux.

     

    Ted et Eunice avaient un point commun. Des neuf enfants de Jo et Rose Kennedy, ils étaient semble-t-il, les plus proches de Rosemary Kennedy, l'aînée,  légérement attardée. Légèrement jusqu'à ce qu'elle se fasse lobotomiser à 23 ans dans la plus grande discrétion. Elle en sera brisée à tout jamais.

    Rosemary qui disparait des photos de famille à l'aube des années quarante pour rester cachée du grand public... jusqu'à son décès en 2005. L'un des nombreux drames qui constituent la face  noire des Kennedy. Il va marquer Eunice et Ted.

    En 1950, à 29 ans, Eunice travaille comme assistante sociale dans une prison pour femmes en Virginie puis avec un tribunal pour enfants. Et elle fait le saut en 1957, elle rejoint la fondation Joseph Kennedy Jr qui existe depuis 1946.

    Le but est de promouvoir la recherche sur les maladies mentales et de faciliter  l'insertion de ceux qui en souffrent.

    En fait, c'est tout le regard sur les handicapés mentaux qu'il s'agit de changer dans une Amérique qui, à cette époque, ne semble pas très éloignée des thèses du Darwinisme social.

    Et c'est sous la présidence de son frère John que, comme pour d'autres minorités, la cause des handicapés mentaux avance. Réseaux et instituts de recherches, programmes spécialisés pour aider les adolescentes enceintes, etc. L'histoire retiendra surtout Special Olympics, créés en 1968, les Jeux Olympiques pour les handicapés mentaux. Apparamment tout le monde lui avait prédit l'échec. Il y a aujourd'hui un million d'athlètes handicapés mentaux. On lui a expliqué qu'une course, une compétition perdue, ne pouvait être que dramatique pour un attardé mental. "Et alors avait-elle répondu, moi aussi quand j'ai perdu, je pleure". Tout est là.

    Sur le site dédié à Eunice Kennedy, on trouve en accueil un message qu'elle avait lancé lors de ces fameux Special Games, en 1987 ;

    The right to play on any playing field ?

    You have earned it

    The right to study in any school ?

    You have earned it

    The right to hold a job ?

    You have earned it

    The right to be anyone's neighbour ?

    You have earned it

     

    1968 Games 03.jpg

    Lors des funérailles de Ted Kennedy, le Journal du Dimanche raconte qu'un jour, John Kennedy offrit à son jeune frère un étui a cigarettes en argent. Une inscription sur le dessus : "les premiers seront les derniers".

    Eunice était parait-il une sacrée bonne femme. Lorsqu'elle est elle morte, les Kennedy ont dit d'elle qu'elle était la force morale de la famille. Je ne sais pas si elle fumait.

     

     

  • Karima Delli, eurodéputée génération 2009

    L'un d'entre vous me demandait il y a deux mois, mes commentaires sur les élections européennes. Je voulais attendre le dernier tour -la reconduction ou non de M. Barroso à la tête de la Commission- mais surtout je me suis rendu compte que cela n'aurait fait qu'un avis de plus sur la question parmi des milliers sur la planète blog.

    Et j'ai beaucoup mieux. Le reportage d'Anne Orenstein et les photos de Laurent Hazgui sur Karima Delli. Karima Delli a été élue députée en juin dernier sur la liste Europe-Ecologie. Ils ont suivi son arrivée au Parlement européen à Strasbourg, les 13 et 14 juillet lors de l'ouverture de la session. Le reportage radio a été diffusé dans des formats plus courts sur France Culture et France Bleu Île de France. Il est ici agrémenté d'un texte d'Anne. Laurent Hazgui, lui, est photographe. Merci à lui de nous avoir prêté ses photos. Ses reportages sont visibles sur son site.

     

    delli cohue mediatique train.jpg

    Je suis sûre qu’elle n’a qu’une seule veste de tailleur. Un truc noir, basique, qu’elle met surtout sur un jean. C’est le seul sacrifice que Karima Delli semble faire au déguisement de l’élu. Semble, parce qu’elle n’était peut-être pas non plus tout à fait naturelle à mon micro. Karima Delli est d’abord une jeune femme qui fait très attention à l’image qu’elle veut donner. Son inquiétude, être comparée à Rachida Dati. Devenir la beurette prétexte.

    Du coup, elle fait très attention aux mots qu’elle choisit, à ses gestes, à ses poses. Pour la cerner, il faut aussi lui voler des moments. Avec un appareil photo, c’est difficile. Avec un micro, c’est encore plus compliqué. delli PE.jpg

    Car en plus, il y a la déontologie. Ce qu’on s’autorise ou non à enregistrer et à utiliser. J’ai donc mis à la poubelle par exemple les échanges avec sa famille, renoncé à les interviewer pour dire leur fierté. Je retiens simplement leurs beaux habits, vêtus comme s’ils allaient à un mariage. J’ai aussi jeté les confidences autour d’une coupe de champagne de trop, l’impatience de Dany Cohn Bendit qui avait d’autres chats à fouetter que cette jeune élue inattendue…

    Ce portrait audio n’est pas celui de Karima Delli. C’est celui d’une jeune élue qui découvre le Parlement européen de Strasbourg. Seulement ça. Un moment de sa vie. Vous en avez déjà fait, vous, le tour de quelqu’un en 4 minutes ?

     


    podcast

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  • Many, retour au Cambodge (II)

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    La suite du portrait de Many Yem. Son histoire, et celle de ses parents, est celle de nombreux cambodgiens aujourd'hui en France. Mais il lui fallait la connaître, cette histoire, pour pouvoir la dépasser. Elle a tout fait d'un coup, en un seul voyage, humanitaire et familial.

     

     

    Many Yem n'est pas Many Yem. Je ne connaîtrai pas son nom. Elle l'a pourtant bien en tête. Son père lui a dit de bien s'en souvenir, peut-être pour le jour où elle pourra le rendre public. Son père a fait la guerre d'Indochine, puis a combattu les khmers rouges de Pol Pot. Bien que la guerre fût officiellement terminée, il s'est enfui du Cambodge sous une fausse identité en 1982, exfiltré avec sa femme grâce à un prêtre, François Ponchaud, qui a fait connaître en 1977 le drame vécu par les cambodgiens. Prêtre qui a mis les parents de Many en garde : en partant en France, eux qui n'ont plus rien à perdre pourraient pourtant se perdre définitivement.

    "Monsieur Yem" se retrouve temporairement dans un foyer à Autun. Il a laissé une grande partie de sa famille qu'il a perdu. Nouveau nom, nouvelle vie (il est aujourd'hui maître chien). Prudence et silence sur le reste. Y penser toujours, n'en parler jamais. Tout ce que Many a appris sur ce pays, elle l'a acquis dans les livres. "Parfois mon père recevait une lettre du Cambodge. Cela voulait dire qu'il avait encore perdu quelqu'un de la famille qui avait sauté sur une mine ou bien quelque chose de ce genre. Il pleurait et c'était fini. On n'en parlait pas". La famille là-bas ? silence. Les souffrances ? silence. Le procès Douch ? silence.

    Et Many dans tout cela ? "Je ne savais pas qui j'étais". Alors elle est partie là-bas en amenant ses parents. Là-bas, près de Battabang, sept heures de bus de Pnom Penh, retrouver une grand-mère maternelle et sa famille, coucher à même le sol et vivre de la seule richesse famliale : le verger et le poisson pêché dans l'étang du coin, vivre sans eau courante ni électricité. "Bizarrement j'ai découvert un pays que je connaissais. Il était en moi. Maintenant je suis Cambodgienne et Française à la fois". On dirait du Barack Obama dans... les rêves de mon père, en train de parler des Etats-Unis et du Kenya.

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    Les rêves du père de Many ? Son père a beaucoup souri. Il a parlé et s'est refermé comme une huître en revenant.

    Les rêves de Many ? Créer une ONG au Cambodge. "Pour aider les jeunes à remonter un pays qui ne se remet que très lentement des épreuves du passé. Un pays qui, silencieusement, perd sa culture".

    Elle reviendra là-bas c'est certain. Sûrement pas seule. "Agir, faire une action humanitaire c'est bien mais ce n'est pas suffisant. Il faut ramener des gens qui s'investissent".

    Il y a matière à agir. Rien que dans l'orphelinat de Kien Kleang, un ancien couvent "qui n'est pas encore habitable, mais les enfants sont dedans parce qu'il y a un toit". L'endroit est en effet très délabré.

    Many sait qu'à l'échelle de son pays la tâche reste immense. Mais si elle ne croyait pas en ce qu'elle fait, si elle n'avait pas décidé de croire en la bonté des gens, elle ne garderait pas en permanence son appareil photo dans son sac...

  • Many, retour au Cambodge (I)

    Many Yem a 24 ans. Cette jeune femme d"origine cambodgienne habite Rouen et est à l'origine d'une opération humanitaire en faveur d'orphelins à Phnom Pehn. Elle est partie là-bas, une première pour elle. Elle est partie avec ses parents, leur premier retour depuis leur fuite du pays, en 1983, victimes des khmers rouges et des vietnamiens. Rencontre à l'heure où le procès de Douch, le tortionnaire du macabrement fameux camp S 21, se tient dans les environs de la capitale.

     

    Many à l'âme d'une photographe. Cette jeune femme de 24 ans ne se sépare jamais de son petit appareil photo numérique dans son sac. Une jolie scène, quelque chose qui lui plaît... et hop... Many cliqueclaque. Pour se souvenir des belles choses. Many promène une sorte de naïveté légèrement désenchantée. Ce doit être permanent. L'humanitaire ? un rêve pour elle. Quelques mois dans une ONG en 2007 l'ont bien réveillée : "l'humanitaire ce n'est pas ce qu'on croit, c'est aussi beaucoup de business." Il n'empêche. Many a les idées arrêtées. Elle part à la fin du mois au Canada pour suivre une formation pour une autre Organisation Non Gouvernementale, AIPE, Aide Internationale pour l'Enfance. Et en début d'année, à son niveau, Many a elle même initié une opération humanitaire dont le succès a dépassé ses espérances.

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    Un matin, Many a mis une petite affichette sur sa fenêtre. Elle voulait venir en aide à des orphelins de Phnom Penh. Là encore, un rêve. Elle a toujours voulu faire quelque chose pour son pays d'origine, qu'elle ne connaissait pas. C'est sa voisine qui a réagi en premier. Pas pour lui dire de retirer l'affiche mais pour lui faire savoir qu'elle possédait un container et qu'elle le mettait à sa disposition. Quatre tonnes... Ce ne sont plus quelques crayons et cahiers qui vont suffire...

    Alors Many lance un appel, auprès des médias locaux notamment, sans y croire vraiment avoue-t-elle aujourd'hui. En quelques jours pourtant, c'est l'engouement. Un engouement qu'elle ne s'explique d'ailleurs toujours pas mais qui lui fait encore croire à la générosité des gens. Le container sera rempli et fin mars, il part du Havre pour rallier le Cambodge où il arrivera le 30 avril. L'association l'Eléphant Blanc s'occupe de la distribution. Des produits d'hygiène notamment, premier besoin pour les enfants là-bas... Many n'y assiste pas, elle est déjà repartie, mais elle vient de passer un mois sur place.

    Un mois incroyable. Car à vrai dire, Many voulait depuis longtemps revenir au Cambodge. Mais avec ses parents. Pas avant eux, pas avant de leur avoir donné les moyens d'y retourner, pas avant qu'ils ne revoient leur pays qu'ils ont quitté précipitamment en 1983 parce que la vie étaient devenue trop difficile et dangereuse.

    Car Many Yem n'est pas Many Yem.

     

    La suite, très vite.