Faces de Blog vous souhaite une très très bonne année 2011 ! J'ai bien envie de reprendre à mon compte l'expression de mon amie Perrine : la paix, l'amour, de la déconne et de la fantaisie ! Ou encore, selon une autre amie, une année "avec tous les accessoires". Bref, tournons le dos à 2010, année de peurs. Ce n'est peut-être pas terminé mais on peut également avoir sérieusement envie et besoin du contraire !!
En cette fin 2010, ce sont Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier qui ont "fêté" Noël et le nouvel an de captivité en Afghanistan (un an !!). Ils sont des confrères et nous attendons tous leur libération. J'ai failli en faire post mais alors il ne faut pas oublier les autres otages, au Mali et ailleurs.
En cette fin d'année 2010, ce sont également les chrétiens du Moyen Orient qui ont fait l'actualité. Pénible Noël. Noël dans ce climat d'oppression, de violence -pas du tout aveugle- qui recommence déjà en 2011. En Irak, en Egypte, ces églises millénaires risquent de disparaître. C'est la valise ou le cercueil nous dit-on. J'ai faili en faire un post mais je ne voulais pas oublier les autres minorités oppressées. Il y en a pas mal.
Du coup , je vous propose un dernier coup d'oeil pas très joyeux sur 2010 mais profond. Je vous remets une louche sur le film "Des Hommes et des Dieux" ? Oui et non. Juste en copié-collé ce magnifique texte du frère Christian de Chergé, moine de Tibéhirine, assassiné en 1994. Après, passons à 2011.
"S’il m’arrivait un jour – et ça pourrait être aujourd’hui – d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.
Qu’ils acceptent que le Maître unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal.
Qu’ils prient pour moi :
comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ?
Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes, laissées dans l’indifférence de l’anonymat.
Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre.
Elle n’en a pas moins non plus.
En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance.
J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément.
J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint.
Je ne saurais souhaiter une telle mort.
Il me paraît important de le professer.
Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre.
C’est trop cher payer ce qu’on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit,
surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’islam.
Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l’islam qu’encourage un certain islamisme.
Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.
L’Algérie et l’islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme.
Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église, précisément en Algérie et, déjà, dans le respect des croyants musulmans.
Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf, ou d’idéaliste :
« Qu’il dise maintenant ce qu’il en pense ! »
Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité.
Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l’islam tels qu’Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion, investis par le don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.
Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur,
je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.
Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis !
Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « À-DIEU » en-visagé de toi.
Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Inch’ Allah."
Alger, 1er décembre 1993
Tibhirine, 1er janvier 1994
Christian |