L'un d'entre vous me demandait il y a deux mois, mes commentaires sur les élections européennes. Je voulais attendre le dernier tour -la reconduction ou non de M. Barroso à la tête de la Commission- mais surtout je me suis rendu compte que cela n'aurait fait qu'un avis de plus sur la question parmi des milliers sur la planète blog.
Et j'ai beaucoup mieux. Le reportage d'Anne Orenstein et les photos de Laurent Hazgui sur Karima Delli. Karima Delli a été élue députée en juin dernier sur la liste Europe-Ecologie. Ils ont suivi son arrivée au Parlement européen à Strasbourg, les 13 et 14 juillet lors de l'ouverture de la session. Le reportage radio a été diffusé dans des formats plus courts sur France Culture et France Bleu Île de France. Il est ici agrémenté d'un texte d'Anne. Laurent Hazgui, lui, est photographe. Merci à lui de nous avoir prêté ses photos. Ses reportages sont visibles sur son site.
Je suis sûre qu’elle n’a qu’une seule veste de tailleur. Un truc noir, basique, qu’elle met surtout sur un jean. C’est le seul sacrifice que Karima Delli semble faire au déguisement de l’élu. Semble, parce qu’elle n’était peut-être pas non plus tout à fait naturelle à mon micro. Karima Delli est d’abord une jeune femme qui fait très attention à l’image qu’elle veut donner. Son inquiétude, être comparée à Rachida Dati. Devenir la beurette prétexte.
Du coup, elle fait très attention aux mots qu’elle choisit, à ses gestes, à ses poses. Pour la cerner, il faut aussi lui voler des moments. Avec un appareil photo, c’est difficile. Avec un micro, c’est encore plus compliqué. 
Car en plus, il y a la déontologie. Ce qu’on s’autorise ou non à enregistrer et à utiliser. J’ai donc mis à la poubelle par exemple les échanges avec sa famille, renoncé à les interviewer pour dire leur fierté. Je retiens simplement leurs beaux habits, vêtus comme s’ils allaient à un mariage. J’ai aussi jeté les confidences autour d’une coupe de champagne de trop, l’impatience de Dany Cohn Bendit qui avait d’autres chats à fouetter que cette jeune élue inattendue…
Ce portrait audio n’est pas celui de Karima Delli. C’est celui d’une jeune élue qui découvre le Parlement européen de Strasbourg. Seulement ça. Un moment de sa vie. Vous en avez déjà fait, vous, le tour de quelqu’un en 4 minutes ?




Immense, carré d'épaule, des pieds de footballeurs, une perruque rousse au dessus d'un visage chevalin outrageusement fardé, formant un plateau où tiendraient dix couverts, vêtu d'une robe d'été à pois rouges décolletée et brandissant au bout d'un bras musclé un sac blanc, que sa main de forgeron tient comme une massue. Son oeil noir, cerné de kohl, étincelle de fureur.


Je me trouve à Séville au printemps 1984, avec un groupe d'amis. Quel peut-être, à cette date, l'état du monde, je me dispense de l'évoquer. Or, les éditions spéciales de tous les journaux, j'insiste sur "spéciales", ne sont remplies que d'un évenement formidable, qui met toutes la ville en émoi : la vierge de la Macarena, faubourg populaire de Séville, doit être couronnée dans la cathédrale, à la fin de l'après-midi. Sa Sainteté Jean-Paul II a accordé cette faveur particulière, assortie d'une bénédiction. Faut-il préciser que la circulation sera strictement interdite, toute activité paralysée, le centre rempli d'une foule innombrable, balcons et fenêtres décorés de tapisseries, des dais dressés au carrefours ? La liesse donc. Et pourquoi pas ? La religion, se mêlat-elle de superstition, ne me fait pas rire et je suis moi même chrétien. Les occasions de se réjouir sont d'ailleurs trop rares pour que je songe à bouder la fête. Tout juste souris-je du sérieux, de la gravité avec lesquel la presse présente l'événement , qualifié unanimement d'"historique". pas trace d'ironie, que dis-je ?, pas même le soupçon que cette réthorique creuse et ampoulée puisse prêter à rire. (...)
Dans un silence d'autant plus saisissant qu'il succède à un vacarme dément, le paso arrive, escorté de soldats, de gardes civils en tenue de gala, d'une troupe de chanoines et de prélats (...). La vierge brune, juchée sur son char d'argent massif, éclairée par des centaines de cierges, "danse" bizarrement. Son long manteau de velours serti de joyaux traîné dix mètres en arrière, tenu par des fillettes en robe bleues, chaussettes blanches(...).
