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  • Un beau vieil homme (IV)

     La fin du portrait de Joseph Bonnet, basque évadé de France, passé dans les geôles franquistes, enrôlé dans la 2e DB. Christophe Van Veen, journaliste à France Bleu Pays Basque, l'a rencontré chez lui à Hasparren.

    A 87 ans, Ttotte, le beau jeune homme, est devenu un magnifique vieillard.

    C'est à notre demande que Joseph raconte. Sa guerre. Il voudrait tout dire, mais pas trop non plus, pour ne pas passer pour ce qu'il n'est pas. Pris par l'émotion, par la fatigue, il se perd parfois, et se retrouve toujours, avec un grand sourire. Son récit est interrompu par un bruit sauvage de mixeur, dans la pièce d'à côté. C'est Renée, sa femme, invisible et toujours présente.PB030916.JPG

    "Un an avant d'être démobilisé, à Paris, j'avais confié à un copain que j'allais me marier avec elle. Et elle ne me connaissait pas ! J'avais fait le tour d'horizon de toutes les jeunes filles de l'époque et j'en avais conclu : "Il n'y a que celle là !"

    Et soixante-quatre ans plus tard, c'est toujours celle là. Renée. Fille d'un riche fabricant de chaussures. Joseph sera le gendre du patron, son représentant jusqu'à la retraite. Joseph et Renée vivent dans la maison de maître, la maison natale de l'épouse bien aimée.

    Renée n'a pas pu avoir d'enfant. Les Bonnet en ont adopté un, qui habitait avec ses 9 frères , dans la même rue, juste en face, de l'autre coté du trottoir. Il n'y a plus d'usine de chaussures à Hasparren, mais ce fils adoptif est quand même devenu lui aussi VRP en chaussures. Il porte le prénom du frère de Renée. Un frère mort sous les balles, pendant cette seconde guerre mondiale. Edmond.

    Renée reste, discrète, dans sa cuisine mais elle a mis son empreinte dans ce bureau où Ttotte reçoit. C'est elle qui a accroché au milieu des souvenirs une grande fresque au fusain. Le tableau donne vie à un combattant d'une autre époque, un cavalier ibérique, fier et déterminé, qui se bat avec son fidèle serviteur contre des moulins à vent. Joseph ne sait pas pourquoi sa femme a voulu ce tableau, ni même ce qu'il représente.

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     Christophe Van Veen

     

     

     

     

     

  • Un beau vieil homme (III)

    J'entre chez Hitler.

     

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     Dans sa salle de bain, je découvre sous sa baignoire une pile de lames de rasoir Solingen (un très bon acier allemand) où est inscrit "Für Adolf Hitler" (il le prononce dans un accent allemand du pays basque). Je vais vous dire, je me suis rasé longtemps avec. Mais un jour ma pauvre grand-mère qui avait toujours le balai à la main tombe sur ces vieilles lames usées et les fiche en l'air ! Tout comme mon carnet où j'avais noté tout mon quotidien dans la deuxième DB, depuis le Maroc ! "

    Joseph reprend son souffle. Puis, de sa voix douce et rocailleuse, il demande avec malice s'il peut raconter "une anecdote". A dire vrai, cette "anecdote" est son morceau de bravoure, le coup d'éclat d'un libérateur basque de 21 ans.

    "Chez Hitler, dans sa villa, je suis aussi tombé nez à nez sur des cornes de cerf , magnifiques, dans son salon.

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     Il y a écrit 1933 sur le crâne, l'année de son accession au pouvoir. Je me suis dit "Tu vas l'emmener à la maison !" Comme un trophée. Mes camarades me disent "Qu'est-ce que tu vas foutre avec ça ! Tu n'arriveras jamais à les passer." Je décroche les cornes et les cache sous une bache dans mon GMC (NDLR : camion Général Motors). Je les ai stockées à Paris chez ma tante, dans son grenier, le temps que les liaisons férroviaires soient rétablies. Et un an et demi plus tard, je reçois un coup de fil de la gare de Cambo les Bains qui me prévient qu'une grande caisse vient d'arriver pour moi. C'étaient les cornes.

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    Eh bien ces cornes d'Hitler, elles sont restées là, chez moi. De Berstädtgaden à Hasparren, quel périple ! Je les ai mises dans mon bureau, au salon, et même dans une chambre. Elles prenaient beaucoup de place , à la fin, je ne savais plus trop où les mettre. Alors je les ai données au musée de la résistance de Pau. Vous les verrez au premier étage. C'est pour les jeunes générations, pour que les gens n'oublient pas la guerre. Je n'ai pas voulu les vendre une fortune sur internet, au risque de tomber sur des nostalgiques du nazisme."

     

    (photo 2e DB Gaston Eve, un autre témoignage)

    On les imagine, ces bois morbides, défigurant la pièce où le vieil homme n'aspire plus qu'à la sérénité. Une relique du Fürher, à Hasparren, dans la cité de Francis Jammes où le poète goûtait le charme premier du pays basque. Le bureau de Joseph n'est pas tout à fait un musée de la guerre. Certes, on est saisi par le portrait géant de son héros, le général Leclerc, peint d'après une petite photo donnée par sa femme à un artiste local.

    Dans une vitrine en verre, quelques médailles militaires, la légion d'honneur reçue il y a dix ans, mais aussi des médailles de l'ancien double champion de france de rebot en 1954 et 1955 (le rebot, cette discipline de pelote basque que j'aimais beaucoup, sans exagérer, j'étais un très bon buteur ! ) . Des tas d'archives, bien sûr, des piles de livres historiques, et le journal l'Equipe, le quotidien sportif. Et un agenda ouvert, un agenda 2010, rempli de rendez vous.

    la suite du portrait de Joseph Bonnet par Christophe Van Veen très bientôt !!

  • Un beau vieil homme (II)

    La suite du portrait de Joseph  (Ttotte) Bonnet, évadé de France, par Christophe Van Veen.

    "Je me retrouve à la rue, sans rien.

    Comme je ne veux pas retourner chez moi non plus, je me présente au commissariat."

    Au commissariat, il n'est pas seul. D'autres jeunes ont passé la frontière. Et la police espagnole s'occupe à sa manière des "évadés de France".

    "Nous sommes transférés à Pampelune en car. On nous rassure : " Ne vous inquiétez pas ! On vous conduit à l'hôtel et en arrivant, vous aurez une bonne omelette". L'hôtel, c'était la prison de Pampelune ! Huit personnes dans une cellule faite pour deux. Cheveux rasés. Une assiette de soupe le midi, une autre le soir avec un bout de pain. C'est tout ! "

    Trois mois plus tard, il est transféré près de Miranda de Ebro, le camp de concentration franquisteevad2.gif

    Joseph passe huit mois dans des thermes désafectés, gardé par des militaires. Un accord finit par être trouvé avec le gouvernement provisoire d'Alger qui récupère ces vingt mille jeunes "évadés", du sang neuf pour l'armée de libération.

    Ttotte touche au but. Après un interrogatoire qui sert à débusquer les espions, le basque choisit le général Leclerc à Rabat. Leclerc et l'artillerie au sein de laquelle son papa Baptiste s'est illustré durant la première guerre mondiale, en 1918. L'artillerie, ou plus précisément la colonne de ravitaillement en obus et en essence. leclerc.jpg

    "J'étais chargé des munitions, j'ai pas participé aux premières lignes, faut pas que j'exagère quand même ! Mais j'ai été bombardé deux fois (une fois vingt minutes, une autre fois une heure) par les allemands qui visaient rarement au hasard. C'était le sauve qui peut ! Je me cachais dans un trou, le temps que ça passe. "

    Au Maroc, le jeune haspandar a croisé une fois son héros, le général Leclerc, qui lui a dit tout simplement : " Vous allez participer à la libération de la France".

    "Par rapport à Delattre de Tassigny qui aimait bien les honneurs et les décorations, Leclerc ne demandait qu'une chose : "Foncer, foncer, foncer..."

    Les fonceurs débarquent à Utah Beach le 1er aout 1944, et traversent la Normandie jusqu'à Paris. Les hommes de Leclerc sont les premiers à entrer dans Paris, par la Porte de Saint Cloud.

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     "Ah ! Quel enthousiasme ! Malgré les allemands qui étaient toujours aux alentours. Tout le monde se jettait sur nos véhicules. Et puis les femmes... (il rit) qui venaient nous embrasser. Croyez moi on n'a pas perdu notre temps !"

    Après une semaine de permission "agitée" dans la capitale, la deuxième DB reprend du service. Libération de Strasbourg, Colmar, Royan... Rien n'arrête la deuxième DB. En mai 1945,elle continue à foncer dans le secteur de Bertstätgaden, le nid d'Aigle d'Adolph Hitler.

    "Sur les autoroutes construites par Hitler, on a fait la course avec les américains. On est arrivé ensemble au pied du nid d'aigle ! Mais c'est quand même un officier français qui a planté le drapeau tricolore là haut."

     

     

    8 mai 1945. L'Allemagne capitule. Berchtesgaden.jpg

    "Le 12 mai, mon supérieur me propose de monter au nid d'Aigle avec mon GMC. Les villas d'Hitler, de Goëring et de Speer étaient saccagées, dévastées par la Royal Air Force.

     

    J'entre chez Hitler

     

    la suite très vite