La suite du portrait de Gwendoline Raisson, "écriveuse pour enfants" (c'est elle qui le dit ainsi sur son blog). Toute la littérature jeunesse, c'est sur le site Ricochet. Mais le portrait de la drôle de Gwendoline, c'est ici.
La question ne paraissait pas si simple. Mais Gwendoline y avait beaucoup réfléchi. Une question qui, en fait, semblait la passionner. "Pourquoi est-ce qu'on écrit tout à coup des livres pour enfants". L'envie de parler aux enfants ? Oui, un peu de cela. Gwendoline a un garçon, Solal. Mais c'est autre chose.
"Quand tu écris une histoire pour enfants, c'est l'enfant qui est en toi que tu vas chercher, ce sont des sensations, une vision du monde que tu avais lorsque tu étais enfant que tu vas rechercher, et que tu gardes plus ou moins au fond de toi."
Dans ses souvenirs d'enfants, il y a des livres. Ce sont plus que des livres, un peu plus que des souvenirs. Nous avons certainement tous une histoire d'enfants qui nous a marquée. Faites l'essai vous verrez, vous la retrouverez ! Le rapport à ces souvenirs-là est très fort. Elle, c'est Michka. Une histoire d'ours, de petite fille, de liberté et de sacrifice. Un classique. Elle le relit parfois. Et elle a parfois envie de pleurer, dit-elle presque surprise.
(photo Cyril Nouaille)
"Je me suis construite avec ce livre"
Gwendoline dit s'adresser aux enfants. Et pas tout à fait comme à des enfants. Avec un ton qu'elle veut iconoclaste, c'est son originalité. De la fantasie et de la dérision. La société a changé et ça se voit dans ses livres ! Les garçons ne naissent plus dans les choux et les filles dans les roses, loin de là. Exemple avec son livre Ma mère dans tous ces états : un petit garçon parle de sa mère (le père est absent). "Il est plus adulte qu'elle dont le comportement semble un peu... puéril ou incompréhensible. Parfois, elle a un copain qu'elle cache."
Ce sont aussi ses propres questions que Gwendoline transcrit dans ses livres. Elle en a réalisé sept, en collaboration avec différents dessinateurs-dessinatrices. Le journalisme ne lui manque pas. Quand elle a commencé à écrire pour les enfants, elle a tout de suite compris que c'était sa voie. Comme si tout s'était éclairé d'un coup. Elle ne s'est plus posé de questions. Elle ne s'est pas complètement éloignée du journalisme. Gwendoline Raisson reste engagée dans la défense des écrivains pour enfants en situation précaire. Ca rappelle beaucoup le milieu du journalisme et le secteur connaît quelques remous. Gwendoline s'est fendu d'un article. Il commence ainsi :
Non, les auteurs et illustrateurs jeunesse ne passent pas leur temps à dessiner des nounours roses en buvant de la grenadine...



Immense, carré d'épaule, des pieds de footballeurs, une perruque rousse au dessus d'un visage chevalin outrageusement fardé, formant un plateau où tiendraient dix couverts, vêtu d'une robe d'été à pois rouges décolletée et brandissant au bout d'un bras musclé un sac blanc, que sa main de forgeron tient comme une massue. Son oeil noir, cerné de kohl, étincelle de fureur.


Je me trouve à Séville au printemps 1984, avec un groupe d'amis. Quel peut-être, à cette date, l'état du monde, je me dispense de l'évoquer. Or, les éditions spéciales de tous les journaux, j'insiste sur "spéciales", ne sont remplies que d'un évenement formidable, qui met toutes la ville en émoi : la vierge de la Macarena, faubourg populaire de Séville, doit être couronnée dans la cathédrale, à la fin de l'après-midi. Sa Sainteté Jean-Paul II a accordé cette faveur particulière, assortie d'une bénédiction. Faut-il préciser que la circulation sera strictement interdite, toute activité paralysée, le centre rempli d'une foule innombrable, balcons et fenêtres décorés de tapisseries, des dais dressés au carrefours ? La liesse donc. Et pourquoi pas ? La religion, se mêlat-elle de superstition, ne me fait pas rire et je suis moi même chrétien. Les occasions de se réjouir sont d'ailleurs trop rares pour que je songe à bouder la fête. Tout juste souris-je du sérieux, de la gravité avec lesquel la presse présente l'événement , qualifié unanimement d'"historique". pas trace d'ironie, que dis-je ?, pas même le soupçon que cette réthorique creuse et ampoulée puisse prêter à rire. (...)
Dans un silence d'autant plus saisissant qu'il succède à un vacarme dément, le paso arrive, escorté de soldats, de gardes civils en tenue de gala, d'une troupe de chanoines et de prélats (...). La vierge brune, juchée sur son char d'argent massif, éclairée par des centaines de cierges, "danse" bizarrement. Son long manteau de velours serti de joyaux traîné dix mètres en arrière, tenu par des fillettes en robe bleues, chaussettes blanches(...).
