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faces de blog - Page 6

  • Esther Duflo (I)

     

    Je ne sais pas si on en a beaucoup parlé en France -si on en a parlé- mais, revenant de Jordanie, je m'aperçois que la médaille Clark, qui récompense les économistes de moins de 40 ans américains ou vivant aux Etats-Unis, a été donnée à la française Esther Duflo.

    Depuis les débuts de Faces de blog, je m'étais dit que, d'une manière ou d'une autre, je ferai un billet sur elle, bien que je ne l'aie jamais rencontrée. Je peux attendre un éventuel prix Nobel, mais je préfere le faire maintenant.

     

    Parlons de moi (pas longtemps) : je viens d'avoir 40 ans. Et je me considère encore jeune.

    Et donc je reste ébahi, interdit, presqu'incrédule, un peu jaloux et prêt à douter de moi quand je vois qu'une jeune femme de 37 ans a déjà un passé de prof au Collège de France, au MIT (Massachussets Institute of technology), est classée par Foreign Policy parmi les intellectuels les plus influents au monde et est maintenant titulaire de la médaille Clark, la récompense la plus prestigieuse après le Nobel me dit-on. Est-elle un OVNI ? Elle n'en n'a pas pas l'air, voici sa photo :

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    (kalyan 3)

    J'avais connu son existence lors de sa nomination début 2009, au Collège de France pour animer la chaire "savoirs contre pauvreté". Car Esther Duflo est économiste du développement.

    On pourrait la présenter aussi comme l'a fait XXI (n°6) ou plus récemment le Journal du Dimanche : une fille de la classe moyenne, un père prof de math, une mère pédiatre, une famille de gauche et protestante qui vivait à Asnières. Un fille qui décoiffe et qui décolle. Normale Sup, doctorat en économie au MIT...

    Citons le JDD, qui résume la philosophie de la jeune fille :

    "Elle ne s’est pas contentée d’apprendre la pauvreté, la corruption, la famine sur le bout de ses doigts de première de la classe. Elle a posé le fil rouge de sa vie, pour le suivre sans faillir : l’existence des inégalités entraîne l’exigence des responsabilités."

     

    Et en tant qu'économistes, qu'ont-ils de plus que les autres, Esther et son équipe de chercheurs ? L'expérimentation sur le terrain et la méthode des essais cliniques transposés à son domaine d'activité : la lutte contre la pauvreté.

    On rentre  un minimum dans le détail de cette nouvelle façon de faire de l'économie et de tester les politiques de lutte contre la pauvreté ? Pas d'inquiétude, même moi, je crois que j'ai compris. Je vous raconte ça très vite ainsi que les réserves apportées par leurs contradicteurs. Car il y en a.

  • Lawrence d'arabie

     

    lawrence bouquin.jpg

     

     

     

    Je mets les voiles pour quelques jours. Direction la Jordanie. L'occasion de lire Les sept piliers de la sagesse peut-être et d'aller sur les traces de Lawrence d'Arabie... En attendant mon retour, voici son histoire.

    Sinon, la fin du texte de Sylvain Collier est ci-dessous pour ceux qui ne l'auraient pas encore lue.

     

  • Sylvain III, Dieu sait pourquoi (suite et fin)

    Santa Fé, 600 kilomètres au nord-ouest de Buenos Aires. Prière et bidonvilles, amour et violence, jeunesse et détresse. Et des itinéraires encore incertains.

    les trois freres.jpg

     

    Des laudes aux vêpres, en passant par la messe, la journée de Sylvain -et des plus croyants du quartier- est rythmée par la prière. Point Coeur c'est aussi une communauté. Souvent des jeunes européens, plutôt de bonne famille, mais pas seulement. Chaque jour, il y ceux qui accuatelier peinture.jpgeillent et font marcher la maison.

    Les autres visitent les familles du quartier. Pour un coup de main, pour discuter. "C'est là que se nouent les amitiés. parfois il ne passe rien, parfois les personnes sortent de leur solitude. D'ailleurs, ça peut paraître surprenant mais combien de fois dans ce quartier pourtant vivant et peuplé ai-je entendu dire "je n'ai pas d'ami".

    apres la sieste.jpgSortir de la solitude, de l'enfermement, c'est cette femme timide qui fond en larmes pour raconter à cet enfant de 27 ans (à l'âge de cettte argentine on est encore enfant à 27 ans) de la banlieue parisienne qu'elle ne se remettra pas de la mort d'un de ses enfants, il y a si longtemps.

    C'est Joël, d'habitude inabordable. Il n'a que sept ans et son frère qui trafique des armes et du Paco, cette drogue à base de résidu de cocaïne mélangé à du kérosène ou à de l'acide sulfurique et qui fait des ravages dans le quartier, lui montre le même chemin. Et pourtant, le temps d'une journée, Joël devient le gamin qu'il est avec les gens de Point Coeur : sa maman a pris la fuite la nuit précédente avec son lit et ses bagages. Ce petit garçon qui vous lance des pierres s'invite un jour par surprise au Chapelet de la petite communauté :

    -Pour qui veux-tu prier ?

    -Pour moi.

    -Et qui d'autre ?

    -Pour moi. Priez pour moi...

     

    Des histoires comme celles-là, Sylvain aimerait en vivre par centaines, ne parler que du côté positif de la mission. Mais on n'en a pas toujours la possibilité.

    Voilà 16 ans que Point Coeur existe dans ce bidonville. Ca marchait. Les choses ont changé. "Les gens commençaient à nous voir comme un centre social. On leur devait quelque chose. Il n'y avait plus de gratuité dans nos rapports. Et notre présence dans le quartier ne tenait aussi qu'à nos relais. Les gens semblaient de plus en plus indifférents à ce qui pouvait nous arriver". Sylvain aussi a connu ses journées de solitude. Et pour tous, au fil des jours, la sécurité n'était plus assurée. "Les gens étaient mangés par la peur. Ils ne disaient rien des caillassages, des vols."

    Alors la maison Point Coeur a fermé. Sylvain est parti à Buenos Aires terminer sa mission. Un échec ?

    "Non. Si on a aimé c'est une réussite. Peut-être qu'on a semé des petites choses là-bas. Comme le dit son fondateur, Point Coeur ce n'est pas une solution. C'est un signe. Cela ne veut pas dire que cela n'a pas été douloureux de partir."jeunes.jpg

    Et Sylvain dans tout ça ? demande alors le Jacques Chancel des café-bars. Sylvain le presque toujours souriant, le presque juvénile, le rieur, le mystique, le toujours prêt ? Toujours prêt.

    "C'est Dieu qui nous guide, il m'a appelé en Argentine. Dieu sait pourquoi. Moi ma volonté c'est d'être disponible. Toujours disponible à la volonté de Dieu. Quelle sera la suite, je ne sais pas."

    Depuis un moment l'ingénieur se pose la question de la prêtrise. Sûrement depuis plus longtemps qu'il ne l'avoue. Bien avant qu'il ne parte en Argentine. La décision n'est pas encore prise. Pas "complètement" dit-il. Il ne sait pas s'il doit être prêtre ou père de famille.

    Pour le moment, il est chômeur chez papa-maman.

    Au monde du travail, il doit montrer qu'il est "indispensable", ce qui n'est pas vraiment sa disposition d'esprit naturelle .

    Au monde de l'esprit, il montre qu'il est disponible, ce qui ne le met pas vraiment au travail.

    Un entre-deux difficile.


    On dirait bien qu'aujourd'hui c'est Sylvain qui attend son signe. A moins que ce soient les enfants de Santa Fé qui lui en aient déjà envoyé un. Ou Dieu sait qui. Prière de répondre, SVP.

    dsc02117.jpg

     

  • Sylvain II, une année à Santa Fé

    Sylvain est parti fin 2008 à Santa Fé, en Argentine (cf le post précédent).

     

    deux enfants.jpgA Santa Fé, la maison de Point Coeur ne dépareille pas des autres. Maison de briques et de tôle, assez délabrée, punto corazon.jpgun peu plus colorée que les autres peut-être. En Argentine, le chômage a beaucoup baissé par raport à la grande crise du début des années 2000. Il était d'environ 20%, il oscille aujourd'hui entre 7 et 8%, un chiffre encore inconnu dans le quartier. On vit surtout de petits boulots au black. Les femmes sont de ménages et les hommes sur les chantiers.  Comme à Buenos Aires, les cartoneros cartonnent. On vit surtout des aides de l'Etat même si le quartier est dynamique, notamment par l'artisanat.  En arrivant, des enfants ont bien fait comprendre à Sylvain qu'il ne fallait pas aller n'importe où.

    Voilà en quelques mot le portrait qu'il me fait de l'endroit où il a débarqué un soir d'octobre 2008. J'ai voulu résumer ses propos par "un quartier pauvre et dangereux" mais cela ne lui a pas plu. Trop facile, ce serait stigmatiser les gens de ce quartier. Ce qui est valable en France l'est tout autant sous d'autres latitudes...

     

    quartier point coeur.jpg

    Mais que diable allait-il faire dans cette misère ? "Se rapprocher de la souffrance humaine pour qu'elle soit accompagnée", notamment celle des enfants. Point Coeur, l'ONG catholique avec laquelle il part parle d'une "culture de compassion". "Le but n'est pas d'aller dans les bidonvilles, c'est d'aller vers les coeurs qui souffrent. Or l'une des plus grandes souffrances, c'est la solitude".  Sylvain est venu se rendre disponible, à toute heure du jour ou de la nuit. Il est juste là. A prier, à faire des parties de foot, à donner un coup de main pour des démarches administratives, à discuter avec les gens, à jouer avec les enfants, si nombreux et souvent dans la rue, "ils restent assis à ne rien faire ou alors ils jouent aux gendarmes et aux voleurs en se tabassant pour de vrai".

    La maison Point Coeur, là-bas, c'est un peu leur refuge.

    Le quartier, ce sont Pinino, Vilma et leur quatre enfants. Il est peintre en batîment mais il vit des combats de coqs avec lequels il habite également. Il est toujours le premier dehors. Le quartier c'est Flaquito, le voisin. Son problème, c'est l'alcoolisme, tout comme Vilma. Le quartier, c'est Palito.argentine 1.jpg

     

    Le quartier, ce sont Chuqi, Ivan, Javier, Luis, Dilan et leurs cousin qui vivent avec leurs grand-parents à 13, dans un deux piècesargentine 2.jpg. C'est Diego, le caïd de 15 ans, il pose avec vous sur la photo tout sourire mais attention aux balles perdues. C'est Chichu, c'est Sheila, c'est Abigaïl, Enzo, Camila, Juan, Tommy, Augustin, Jose... tous des enfants, des ados d'un quartier extrêmement jeune.

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    La suite très vite