Ceux qui ont lu mes deux articles sur Many Yem, l'ont croisé. J'y ai fait allusion. Aujourd'hui il fait l'actualité : son procès se termine. L'accusation a demandé une peine d'au moins quarante ans pour Douch, le commandant du camp de tortures cambodgien de Tuol Sleng ou S21. Son procès est le premier qui concerne les dirigeants khmers rouges, responsables de la mort de 1,7 million de leurs concitoyens.
Durant le procès de Douch, le procureur a entre autres, évoqué les quelque dix ans de détention provisoire effectués par Douch, dont une partie était juridiquement illégale, sa coopération "partielle" avec la cour, ses remords et sa "contribution à la réconciliation nationale".
Douch a dit:
"Je suis psychologiquement comptable devant la population
cambodgienne tout entière des âmes de ceux qui ont péri.
Puis-je vous implorer de m'autoriser à
partager avec vous mon immense et tenace affliction et
d'exprimer des remords extrêmement douloureux."
Cellule. Le lit de torture
Douch s'est converti au Christianisme dans les années 90.
Le blog des Carnets de Phnom Pehn rapporte que lorsque le procureur a demandé 40 ans de prison pour Douch, et non pas la perpetuité il a expliqué : "En imposant cette peine, nous ne retirons pas à Douch son humanité, mais nous restituons leur humanité aux victimes".
Le témoignage d'une personne dans l'assistance venue assister à l'audience :
"La jeune génération ne croit pas qu'un tel régime existait. J'ai parlé de
nombreuses fois de ce régime avec mes enfants et mes petits-enfants, mais au
début, ils ne m'ont pas cru."
Douch était-il un simple rouage ou avait-il toute latitude pour diriger Tuol Sleng? Est-il un manipulateur? un homme sincère?
A la fin du procès, coup de théâtre. Alors que pendant 6 mois Douch a avoué et demandé pardon, l'un de ses avocats estime que le tribunal est incompétent pour le juger et demande son acquittement. Ses avocats sont d'ailleurs très divisés.
Enfin le dernier moment, la derniere question, la derniere réponse. le juge demande à Douch ce qu'il veut :
"Je voudrais demander à la chambre de me libérer. Merci beaucoup."
Verdict début 2010.
Je ne peux prétendre en quelques lignes résumer ces nombreux mois de procès. Je renvoie, bien sûr, aux Carnets mais aussi au blog spécialement consacré au procès par une journaliste, Anne-Laure Porée -avec dernièrement une interview éclairante de l''avocat français de Douch, François Roux (la légitimité du tribunal reste mise en doute par des politiques qui aujourd'hui n'ont pas intérêt à ce qu'il continue à siéger, d'où le revirement de Douch) ainsi que la dernière semaine du procès- aux reportages de France Culture et RFI, au livre de François Bizot "Le Portail", au livre "Le procès des khmers rouges" de Francis Déron au dococumentaire présenté à Cannes en 2003 S21, et à cet article de l'Institut Pierre Renouvin sur le parcours intellectuel des khmers rouges.